Une microphotographie montre les impacts d'électrons à haute énergie sur une émulsion photographique située dans un spectromètre. (Image : NASA/Marshall Space Flight Center et Université d'Alabama, Huntsville)

En août 1912, le physicien autrichien Victor Hess fit un vol en montgolfière historique, qui a ouvert de nouvelles perspectives pour l’étude de la matière dans l’Univers. En montant à une altitude de 5 300 mètres, il mesura le taux d’ionisation dans l’atmosphère et découvrit que celui-ci était trois fois plus élevé qu’au niveau de la mer. Il en conclut qu’un rayonnement pénétrant entrait dans l’atmosphère depuis le ciel. En fait, il avait découvert les rayons cosmiques.

Ces particules de haute énergie qui arrivent de l’espace intersidéral sont en majeure partie des protons (89 %) – des noyaux d’hydrogène, l’élément le plus léger et le plus courant dans l’atmosphère – mais il y a aussi des noyaux d’hélium (10 %) et des noyaux plus lourds (1 %) de divers éléments, jusqu’à l’uranium. Lorsqu’ils arrivent près de la Terre, ces rayons entrent en collision avec les noyaux d’atomes situés aux confins de l’atmosphère, créant ainsi de nouvelles particules, principalement des pions. Ces pions chargés peuvent se désintégrer rapidement, et ils émettent alors des particules appelées muons. Contrairement aux pions, les muons n’interagissent pas fortement avec la matière, et ils peuvent donc traverser l’atmosphère et pénétrer sous terre. La quantité de muons arrivant à la surface de la Terre est telle qu’un volume équivalent à la tête d’une personne est traversé chaque seconde par un muon.

Un nouveau monde de particules

L'étude des rayons cosmiques a ouvert de nouvelles perspectives pour l'étude des particules, au-delà des limites de l'atome : la première particule d’antimatière, un positon (ou antiélectron), a été découverte en 1932, le muon en 1937, puis cela a été le tour du pion, du kaon et de plusieurs autres. Jusqu’à l’avènement des accélérateurs de particules de haute énergie, au début des années 1950, ce rayonnement naturel constituait le seul moyen d’étudier ce « zoo » de particules en pleine expansion. Quand le CERN a été fondé, en 1954, les rayons cosmiques figuraient dans la liste des domaines d’intérêt scientifique inscrite dans la Convention de l’Organisation. Et même si les accélérateurs sont devenus le meilleur terrain de chasse pour les nouvelles particules, les rayons cosmiques sont toujours largement étudiés en physique.

L’énergie des rayons cosmiques primaires va d’environ 1 GeV, soit l’énergie produite par un accélérateur de particules relativement petit, à 108 Tev, soit bien plus que l’énergie des faisceaux du Grand collisionneur de hadrons. La fréquence à laquelle ces particules arrivent aux confins de l’atmosphère diminue avec l’augmentation de leur énergie : d’environ 10 000 particules à 1 GeV par mètre carré et par seconde, à moins d’une particule à l’énergie la plus élevée par kilomètre carré et par siècle. Les rayons cosmiques de très haute énergie engendrent d’immenses gerbes pouvant contenir 10 milliards de particules secondaires, voire plus ; celles-ci se répandent sur des zones pouvant atteindre 20 kilomètres carrés à la surface de la Terre, et elles peuvent alors être observées par des détecteurs.

Des accélérateurs cosmiques

Mais comment les rayons cosmiques atteignent-ils de telles énergies ? Où sont les accélérateurs naturels ? Les rayons cosmiques ayant l’énergie la plus faible viennent du Soleil, en un flux de particules chargées appelé vent solaire. L’origine des particules plus énergétiques est par contre difficile à découvrir, car leur trajectoire est détournée par les champs magnétiques de l’espace interstellaire.

Des indices nous sont parvenus grâce à l’étude des rayons gamma de haute énergie provenant de l’espace intersidéral. Ceux-ci sont bien moins nombreux que les rayons cosmiques électriquement chargés mais, comme ils sont neutres, ils ne sont pas influencés par les champs magnétiques. Ils engendrent des gerbes de particules secondaires qui peuvent être détectées sur la Terre, ce qui permet de remonter jusqu’au lieu d’origine des rayons gamma. Les résidus de supernovas, comme la célèbre nébuleuse du Crabe, sont dans notre galaxie, la Voie lactée, une des sources des rayons gamma les plus énergétiques ; les ondes de choc causées par ces explosions stellaires sont depuis longtemps considérées comme de possibles accélérateurs naturels. Il existe d’autres sources de rayons gamma de très haute énergie dans d’autres galaxies, où des objets exotiques tels que des trous noirs supermassifs pourraient agir comme des accélérateurs. Il y a également des indices selon lesquels les rayons cosmiques chargés les plus énergétiques ont aussi des origines semblables dans d’autres galaxies.

Les expériences sur les rayons cosmiques menées au CERN

CLOUD experiment
L'intérieur de la chambre à brouillard de l'expérience CLOUD, au CERN. (Image : Maximilien Brice/CERN)

Pourrait-il y avoir un lien entre les rayons cosmiques galactiques et la formation des nuages ? Une expérience du CERN utilise la « boîte » la plus propre du monde pour le découvrir.


Pour en savoir plus sur l'expérience CLOUD.