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Dernières nouvelles des accélérateurs : l'exploitation 2023 se termine par un quench

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Encore quelques jours, et les derniers faisceaux du LHC pour 2023 seront éjectés. Le moment fixé pour l'opération est le lundi 30 octobre à 6 heures du matin, mais, cette fois, l'éjection des faisceaux ne sera pas pilotée depuis la salle de contrôle par l'ingénieur de service. Nous espérons que les faisceaux seront éjectés de la machine... après une transition résistive (aussi appelée « quench ») d'un aimant. Cela peut paraître surprenant, car, en temps normal, nous ne prédisons pas ces quenchs plusieurs jours à l'avance ; et même, nous faisons tout notre possible pour éviter que ce phénomène se produise pendant la circulation des faisceaux. Mais cette fois les experts de la machine souhaitent valider expérimentalement la limite de transition des aimants supraconducteurs, c'est-à-dire la quantité d'énergie qu'un aimant supraconducteur peut supporter avant de subir une transition résistive qui lui fait perdre ses propriétés supraconductrices. À cette fin, les experts provoqueront des pertes de faisceau contrôlées dans un aimant supraconducteur – autrement dit, ils déposeront dans l'aimant une quantité d'énergie donnée.

Comment perdre un faisceau dans un aimant en le faisant exprès?
Pendant les collisions d'ions plomb, le but est de réaliser des collisions frontales. Cependant, tous les ions n'entrent pas en collision ; certains se contentent de se frôler. Dans ce cas, l'interaction électromagnétique entre les ions est très forte et peut conduire à la production de paires électron-positon, à la suite de quoi les électrons se lient aux ions  Pb82+, qu'ils transforment en Pb81+.

Ces ions Pb81+ ont une charge électrique différente des ions Pb82+. Et donc, dans un champ magnétique identique produit à l'intérieur des aimants, ils sont déviés selon une trajectoire distincte et forment un faisceau secondaire. La trajectoire de ce faisceau secondaire est si différente que, très rapidement, le faisceau vient se perdre à un emplacement bien défini dans la machine, où il dépose son énergie.

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Représentation du résultat des simulations réalisées par les experts. À gauche, le point d'interaction, où ont lieu les collisions d'ions plomb. Plus à droite, le faisceau se défocalise en s'éloignant du point d'interaction. Au bout d'environ 300 m, le faisceau secondaire de Pb81+ se sépare nettement du faisceau principal de Pb82+. À 400 m, il est perdu et dépose son énergie dans le matériau. (Image: CERN)

Pour éviter que ce faisceau de Pb81+ soit perdu dans un aimant, on recourt à des aimants de correction qui créent une déviation locale de l'orbite, le faisceau étant déplacé d'environ 3 mm ; on modifie ainsi l'emplacement de la perte du faisceau, si bien que toute son énergie est déposée dans un collimateur, spécifiquement conçu pour absorber ces ions et leur énergie.

Dimanche à minuit, les experts de la machine procéderont à un remplissage de la machine, comme à l'ordinaire. Toutefois, ils modifieront localement la valeur de déviation de l'orbite, si bien que le faisceau de Pb81+ se déposera dans un aimant supraconducteur et non dans un collimateur. Il est possible de modifier le nombre d'ions, et, par conséquent, la quantité d'énergie déposée en ajustant le nombre de collisions d'ions au point d'interaction en amont. Une procédure bien précise visant à augmenter le dépôt d'énergie jusqu'à la transition de l'aimant a été établie et validée, mais le moment exact de l'éjection du faisceau n'est pas encore connu, car il dépendra de la limite de transition de l'aimant.

Établir expérimentalement cette limite de transition sera un moyen de compléter les nombreuses simulations déjà réalisées et d'améliorer notre connaissance de la machine LHC, en vue du doublement de l'énergie stockée dans le faisceau avec l'avènement du HL-LHC.